Unesco

Liberté de la presse et intelligence artificielle : entre vigilance, innovation et résilience

Publié le 14/05/2025

À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025 se déroulant le 7 mai, l’UNESCO a accueilli une série d’interventions de haut niveau, de témoignages et de réflexions consacrées aux enjeux actuels et futurs de l’information. Un mot d’ordre a traversé les discours : défendre un journalisme libre et indépendant à l’ère de l’intelligence artificielle, dans un contexte mondial marqué par la désinformation, la polarisation politique, et les menaces croissantes à la sécurité des journalistes.

Une liberté menacée mais essentielle

Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, a ouvert la journée en soulignant l’importance de protéger les journalistes, en particulier dans des environnements de plus en plus hostiles. En 2024, 82 journalistes ont perdu la vie dans l’exercice de leur métier. Si une légère baisse est constatée, le nombre reste trop élevé. Dans ce contexte, l’UNESCO a :

  • Soutenu plus de 5 000 journalistes à travers le monde en danger (juridiquement, psychologiquement ou matériellement),
  • Renforcé des programmes de protection à l’échelle mondiale,
  • Continué à défendre une presse libre, indépendante et pluraliste comme pilier de toute démocratie.

Plusieurs intervenants comme des journalistes, chercheurs, gouvernements et acteurs du numérique, ont souligné que cette liberté ne peut être garantie que si elle repose sur un socle de droits humains, de diversité culturelle et d’indépendance économique. En ce sens, la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a réaffirmé que la liberté de la presse est une priorité politique et constitutionnelle, inscrite dans l’article 25 de la Constitution belge. La Ministre Présidente de la FWB, Élisabeth Degryse a insisté sur l’interdépendance entre liberté d’expression, culture, science et démocratie.

L’intelligence artificielle : entre espoir et dérive

L’un des thèmes centraux de la journée a été l’impact de l’intelligence artificielle sur l’écosystème de l’information. Si l’IA suscite des inquiétudes majeures, elle représente également une source d’opportunités pour le journalisme.

Parmi ses usages prometteurs, l’IA permet :

  • d’automatiser certaines tâches éditoriales pour dégager du temps pour l’enquête,
  • d’améliorer la traduction et l’accès multilingue à l’information,
  • de faciliter la vérification des faits,
  • ou encore de mener des investigations complexes dans des masses de données.

Mais ces avancées s’accompagnent également d’inquiétudes majeures. Le brouillage entre information fiable et manipulation algorithmique, la prolifération des ‘deepfakes’, et la standardisation des contenus menacent la diversité et l’intégrité de l’information.

Face à ces enjeux, plusieurs priorités ont émergé :

  • Protéger la visibilité économique de l’information de qualité
  • Encadrer l’usage de l’IA dans les rédactions
  • Renforcer les règles de transparence des algorithmes

Des témoignages de représentants d’institutions publiques et de chercheurs ont mis en lumière des réalités de terrain très diverses. Dans certains pays, l’IA est déjà utilisée pour contourner la censure ou assurer la continuité de l’information face à la répression. Ailleurs, elle renforce des systèmes de surveillance ou participe à la diffusion de contenus haineux, notamment à l’égard des femmes et des minorités.

Renforcer les régulations et l’éducation aux médias

Les discussions ont également mis l’accent sur l’urgence de mettre en place une régulation intelligente, alliant transparence, responsabilité et innovation. L’autorégulation des plateformes ne suffit pas. Il faut désormais des principes communs pour garantir un internet de confiance, ainsi qu’un engagement international coordonné pour protéger l’intégrité de l’information.

La lutte contre les atteintes numériques, qu’il s’agisse de censure, de harcèlement ou de désinformation, est apparue comme un chantier prioritaire.

Un hommage aux journalistes en danger

Moment fort de la journée, la remise du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano 2025 a été l’occasion de rendre hommage au courage et à la résilience des journalistes à travers le monde. Cette année, le prix a été décerné au journal nicaraguayen La Prensa, pour sa capacité à continuer d’informer malgré la répression, la confiscation de ses biens et l’exil de ses équipes.

Ce prix rappelle que, dans de nombreux pays, exercer le métier de journaliste reste un acte de bravoure. Il rend hommage à tous ceux qui, souvent au péril de leur vie, s’engagent à défendre le droit du public à l’information.

L’avenir de la liberté de la presse : un effort collectif

Un appel clair à la coopération a été lancé. Représentants de l’ONU, experts en droits humains, chercheurs, journalistes, acteurs du numérique : tous ont souligné la nécessité de travailler ensemble. L’information est un bien public. Sa protection dépend de la volonté collective de garantir un espace médiatique libre, pluraliste et éthique. Alors que les technologies évoluent à grande vitesse, la responsabilité humaine reste au cœur du débat. Ce que l’on fera de l’IA, en matière de régulation, de transparence, de respect des droits, dépendra des choix politiques et éthiques que nous posons dès aujourd’hui.