Culture

Carnaval de Binche : 20 ans de reconnaissance au patrimoine immatériel de l’UNESCO – entre tradition et modernité, l’enjeu de l’égalité 

Publié le 16/02/2024

Depuis 2003, le Carnaval de Binche est inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Cette année, il fêtait donc ses 20 ans de reconnaissance. À cette occasion, la Commission belge Francophone et Germanophone de l’UNESCO a tenu à soutenir les initiatives visant une plus grande inclusion des femmes dans ce patrimoine vivant. Malgré la création d’un premier groupe constitué de femmes le Lundi gras, le rôle de la femme dans le carnaval de Binche fait toujours débat.

Le carnaval de Binche, une histoire en perpétuelle mutation

L’histoire du carnaval de Binche et de ses Gilles caractéristiques est difficile à retracer par les historiens et spécialistes. De nombreuses légendes contribuent aux flous concernant les origines de cette pratique.

Quoi qu’il en soit, les plus anciennes traces du carnaval de Binche remontent à 1394. À l’origine, le Carnaval était l’occasion de lâcher toutes les privations qui pouvaient être ressenties pendant le Carême (temps liturgique chrétien qui va du mercredi des Cendres au samedi saint, veille de Pâques dans l’histoire de notre société occidentale notamment). Il s’agissait donc d’une fête autorisant tous les excès avant cette période de prière et de pénitence dans la société de l’époque.

Depuis le Moyen Âge, ces pratiques portées par les différentes générations qui se sont succédées sur le pavé à Binche se sont transformées. Les archives attestent de cela, et les dernières recherches menées sur la question des femmes prouvent que des groupes de femmes étaient plus largement présents avant la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui, le carnaval de Binche en quelques chiffres :

  • Des milliers de femmes et d’hommes (détenteurs de patrimoines, familles, artisans, couturières, etc.) qui s’investissent toute l’année pour organiser le Carnaval de Binche ;
  • Plus de 100 000 visiteurs lors de la dernière édition ;
  • Plus de 1000 Gilles et autres acteurs et actrices inscrits ;
  • 30 femmes dans le groupe des « Ladies Binchoises », groupe constitué en 2007 ;
  • La société civile se répartit en 14 sociétés.

Reconnaissance par l’UNESCO

Cet événement majeur en Wallonie est inscrit depuis 2003 sur la liste du Patrimoine immatériel de l’UNESCO. Le Carnaval de Binche fut la première reconnaissance décernée en Europe en matière de Patrimoine immatériel. Remontant au Moyen Âge, le célèbre carnaval de Binche est l’une des plus anciennes manifestations de ce type encore vivantes en Europe. Chaque année, pendant les trois jours qui précèdent le carême, la cité accueille des milliers de personnes des quatre coins du monde.

L’édition 2024 fut particulière. En effet, en plus de fêter les 20 ans de reconnaissance par l’UNESCO, c’est également les 900 ans de la ville de Binche. À cette occasion, plus de 1200 acteurs et actrices étaient présents sur le pavé.

Les festivités ont été lancées le 31 décembre avec les premières répétitions de batterie. Durant tout le mois de janvier, ce sont les bals et les Soumonces (répétitions) qui se sont enchaînés.

Les trois jours gras débutent le Dimanche gras, le 11 février, avec la sortie des violes (orgues de barbarie), des tambours, des travestis et le départ d’un premier cortège. En ce premier jour, les Gilles ne sont pas en costume. Ensuite, le Lundi gras, sorties des enfants et des « Ladies Binchoises », premier et unique groupe constitué par des femmes. Pour terminer, le Mardi gras, le 13 février, journée de sortie du cortège de Gilles qui se clôture par le feu d’artifice sur la Grand-Place de Binche. 

L’égalité femmes-hommes au cœur de la société et du Carnaval

Dans nos sociétés en pleine évolution, le patrimoine immatériel représentatif de nos ces dernières continue sa mutation. Depuis 2017, les « Ladies Binchoises » s’inscrivent dans cette volonté de marquer l’importance de la présence des femmes au cœur du Carnaval de Binche. L’objectif est également d’offrir un rôle aux adolescentes et à toutes les femmes qui souhaitent vivre le Carnaval en tant que citoyenne et ce passé l’âge de l’enfance.

« Joëlle Brison et Marie-Bernadette Miche, passionnées par le Carnaval de Binche, ont réalisé ce qui semble être une révolution à Binche : un nouveau et unique groupe composé exclusivement de femmes et d’un joueur de viole. Un pari fou étant donné que les sociétés existantes ne sont composées que d’hommes ou d’enfants. La transmission, chère à l’UNESCO mais aussi l’organisation du Carnaval entre femmes, mères et filles y sont centrales ainsi que les valeurs de solidarité par la mise en place d’activités à objectifs culturels toute l’année. » Selon Manuela Valentino Présidente de la sous-commission culture.

 Depuis, les « Ladies Binchoises », vêtues de leur redingote orange, d’une jupe grise, d’un chapeau avec voilette et d’une ombrelle noire, sortent le Lundi gras à 13h30 du Musée International du Carnaval et du Masque. Des 4 femmes de la première édition, une trentaine se regroupent maintenant dans les rues de Binche, jeunes filles, étudiantes, femmes de Gilles, mamans de petits Paysans, musiciennes, couturières, retraitées, etc., toutes actrices de leur Carnaval. À l’avenir, Les Ladies espèrent voir d’autres compagnies 100% féminines se composer et faire évoluer les traditions.

Par leur présence lors de l’édition 2024, la Commission belge pour l’UNESCO souligne la nécessité de soutenir les initiatives prônant l’égalité des genres dans le Carnaval de Binche, mais aussi l’ensemble des valeurs véhiculées par l’UNESCO au cœur du patrimoine et plus largement dans nos sociétés démocratiques.